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Couverture ChapelleChef d’oeuvre d’architecture moderne méconnu à Toulon.

Daniel Bombert a édité, –avec Alice Mattio, les contributions de la professeure et critique d’architecture Florence Sarano et du Frère Benoît Pekle,– un livre chez Modernités Latines. L’on y explore et révèle le sens, le contexte et les caractéristiques à la fois puissantes et discrètes de la Chapelle de la Transfiguration. Accrochée sur les premiers contreforts du Mont Faron à Toulon, cette chapelle conçue et réalisée par Jean-Gérard Mattio est un témoignage marquant et audacieux du mouvement moderne. Elle a reçu le label Patrimoine du XXe siècle attribué par le Ministère de la Culture et de la Communication en 2015. Elle est une des œuvres majeures de l’ensemble d’architectures, objets, œuvres plastiques et recherches théoriques destinées à l’enseignement que laisse l’auteur. Ouverte sur le large par les rythmes d’une baie vitrée qui offre au regard l’ensemble de la rade derrière l’autel, la Chapelle de la Transfiguration offre un parcours de lumière, de lignes fortes et cohérentes qui incite au retour sur soi à la projection vers le monde, en osmose avec la nature universellement habitée et la spiritualité.

Mais, laissons la parole à Daniel : découverte de la chapelle

On n’a pas tous les jours l’occasion de découvrir un chef d’oeuvre méconnu ! Il y a bien quinze ans que je voulais écrire et éditer à propos de la Chapelle de la Transfiguration. C’est fait, et bien au-delà de ce que je croyais pouvoir faire.

Je l’ai découverte par hasard, en descendant un jour à pied en ville depuis la Corniche où j’habitais alors : elle est nichée dans un recoin de la rue Francis Garnier, en retrait et en contrebas. J’avoue que je l’ai un peu gardée pour moi, attendant le bon moment pour m’y consacrer sérieusement.

Dès que j’ai eu un peu de temps et de liberté, j’ai cherché à en savoir plus. J’avais eu des contacts avec la famille de son auteur, Jean-Gérard Mattio, tout simplement parce que dans mon site « 100 artistes de Toulon, Portrait sensible de la vie à Toulon », je m’étais trompé à son sujet ! Je l’avais attribuée à Alfred Henry, l’un des grands modernes de Toulon, élève de Mies van der Rohe (et auteur de la Tour de la Caisse d’Epargne). Je n’étais pas tombé loin : Mattio a beaucoup travaillé avec lui – les décorations qu’il a conçues pour la Tour sont d’ailleurs actuellement en danger. Cela a été l’occasion de rencontrer sa femme et ses fils et d’aller de bonheur en découvertes, dépassant largement ce que ma passion pour les modernités m’avait laissé espérer.

Elle venait justement d’être labellisée « Patrimoine du XXème siècle » : c’était l’occasion d’aller plus loin. Alice Mattio m’a consacré beaucoup de temps, et nos recherches se sont croisées, les discussions ont été animées – il en est sorti une réflexion et un ensemble d’informations d’une cohérence et d’une richesse qui me stupéfient toujours !

C’est une forme moderne parfaite, entièrement basée sur le Modulor de Le Corbusier. Le style de ses énergies est caractéristique; et sa symbolique résonne profondément avec le paysage et l’histoire de la ville.

L’ouvrage prend forme, est publié et adresse un message fort

De la petite monographie en quelques pages que j’imaginais, nous sommes très vite arrivés à un ensemble de textes informatifs, historiques, critiques. Le Frère Benoît Pekle, spécialiste de l’architecture moderne religieuse, en pose en quelques lignes enthousiastes le sens religieux – il a vécu au Monastère de la Tourrette, de Le Corbusier. Tout en nous limitant à une petite forme aussi riche de sens et d’informations que possible.

Les photos sont celles que l’auteur a prises lui même en mai 68, juste avant la livraison du chantier; dans son objectif on voit son plaisir de constater que les jeux de lumière qu’il a conçu « fonctionnent » à la perfection.

J’ai eu aussi l’immense plaisir de pouvoir y publier une contribution de Florence Sarano, dont les expositions d’architecture à la Villa Noailles ont fait date. Elle fait partie des quelques passionnés qui ont commencé à réhabiliter l’architecture moderne toulonnaise, comme Briolle et Repiquet, Florence Morali à l’Ecole d’Art de Toulon, Rémi Kerfidin… c’est un travail à continuer. Il peut contribuer à rendre à Toulon une beauté qui implique quelques travaux et prises de conscience !

Et je n’ai pas résisté au plaisir d’y faire figurer une interview de l’auteur qui y développe sa vision des rapports entre l’art et la foi ! C’est un beau texte également d’une modernité et d’une ouverture réconfortantes.

Cette première édition fait partie d’un travail personnel que je mène depuis les années 80 sur la modernité dans les pays latins et les totalitarismes ; la symbolique de la Chapelle telle qu’elle m’a été transmise confirme mes hypothèses parfois taxées d’originalité : une porosité particulière du monde latin, qui dans sa propre modernité crée un rapport particulier à la nature, à l’histoire et à la spiritualité. Un antidote au risque totalitaire qui entache les modernités, en quelque sorte !

Premier livre d’une série ?

Je prépare – tranquillement – d’autres éditions sur ce thème. A travers les œuvres de la chorégraphe Pascaline Richtarch, qui passe de la scène à l’image en articulant, dans ses nouvelles vidéos et installations, la nature, les arts plastiques… A travers aussi deux buildings « gothiques » de Buenos Aires et de Montevideo, les Palacio Salvo et Barolo, un étrange rêve moderne de part et d’autre du Rio de la Plata, conçus par des architectes italiens qui y citent notamment la Divine Comédie en volumes à habiter… ils sont relativement peu documentés alors qu’il en apprennent aussi beaucoup sur les totalitarismes – il y a quelques surprises historiques transcontinentales à la clé, je les garde pour moi pour l’instant !

A travers, aussi, les projets non réalisés d’Henri Komatis pour les Vallées de Châteauvallon (Mattio et lui, d’ailleurs, se connaissaient).

Tout cela en espérant pouvoir finir un jour un travail suffisamment étayé pour fonder un texte sur ces modernités latines qui sont un voyage entre le sud de l’Europe et l’Amérique latine. Où l’on puisse lire une vision critique de l’homme moderne plus humaniste, revenir sur une notion du progrès et de l’universalité un peu plus enthousiasmante que les replis et raidissements divers qui paralysent les sociétés aujourd’hui.

* « La Chapelle de la Transfiguration », disponible sur commande et notamment  en cliquant ici

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One Comment

  1. Je n’ai pas encore lu le livre. La présentation de l’auteur m’incite à le faire très rapidement. Elle m’amène surtout à me souvenir d’échanges trop rares relatifs à la culture –que j’avais avec mon oncle Gérard Franceschi– et à ce texte paru il y a quelques années concernant son oeuvre :

    « Recouvrer ce que nous avons, au point de vue culture, perdu ou oublié, et le proposer comme un moyen de construire notre avenir. C’est démarche nous permettra peut-être de comprendre les « 10.000 ans de Nordic Folk Art » – ce projet entrepris, entre 1961 à 1965 par le peintre Asger Jorn et le photographe Gérard Franceschi – à la poursuite du lien entre le langage visuel de l’Europe du Nord pré-chrétienne et ce qu’il en reste dans l’art et l’architecture Romanes et Gothiques.
    La compilation (textes et photos) offre l’image d’un monde non fragmenté, d’un monde non divisé en domaines mais gouverné par la conviction de l’égalité des êtres et des choses, et qui prône la possibilité de transformer les choses. »

    Merci Daniel de nous réveiller. Espérons d’autres échanges sur ce site.

    Ce lien peut vous intéresser : http://www.31bienal.org.br/en/post/1619

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